Titre : Division avenue
Auteur : Goldie Goldbloom
Littérature australienne
Titre original : On division
Traducteur : Eric Chédaille
Éditeur : Christian Bourgois
Nombre de pages : 360
Date de parution : 21 janvier 2021
Si je n’avais pas vu la mini-série Unorthodox, je me serais sans doute poser beaucoup de questions sur les règles de vie de cette communauté juive hassidique du quartier de Williamsburg à New-York. Non pas qu’elles soient mal abordées dans ce roman mais tant elles semblent inconcevables pour un étranger. Mariées au plus jeune âge, les femmes n’ont aucun droit à l’éducation. Elles ne sont là que pour enfanter; les enfants sont la véritable et seule richesse du peuple juif comme une réponse à ceux qui voulaient les exterminer. Une enfance prédestinée sans aucune ouverture vers l’extérieur. Mais contrairement à Esther, l’héroïne d’Unorthodox, Surie semble accepter son sort. Elle aime son mari, Yidel qui la respecte et l’entoure d’affection.
Pourtant, à 57 ans, alors qu’elle se pensait ménopausée, Surie se découvre enceinte de jumeaux. Peut-être une conséquence hormonale à la suite de son traitement pour un cancer du sein. Ce sera son onzième accouchement. La vieille femme ne peut se résoudre à dévoiler son état. Son obésité la protège des regards. Elle craint les réactions, l’incompréhension de sa famille, le bannissement de la communauté. Une honte supplémentaire que les Eckstein ne peuvent endosser après ce qui est arrivé à Lipa, un des fils rejeté pour son comportement.
» Comme lui, elle voulait se confier à quelqu’un mais avait une peur bleue de le faire. »
De fêtes en fêtes ( elles sont nombreuses dans la communauté) au milieu de ses beaux-parents, ses dix enfants et trente-deux petits enfants, Surie se tourmente. La seule qui entend par la force des choses son secret est Val, la sage-femme qui a mis au monde tous ses enfants. Elle lui apportera compréhension, un bref instant de liberté et de sentiment d’utilité, une soif de l’étude, la poussant à aider d’autres jeunes femmes hassidiques. Peut-être une manière de se racheter face à Lipa, ce fantôme qu’elle aperçoit et qui la hante.
Surie est un personnage magnifique. Prisonnière d’un corps énorme, déformé par les maternités puis le cancer, entravée par les règles strictes de la communauté hassidique, elle rayonne de cet amour porté à sa famille et aux autres femmes. On ne peut qu’être choqué par les pressions, les étouffements de la communauté qui exclut les renégats, protègent les pédophiles et bâillonnent les femmes. Mais des femmes, comme Surie ou Dead Onyu, sa belle-mère, une femme « posée,pétrie de sagesse, honnête et bourrue » ouvrent une brèche de liberté et de bonheur possible au sein d’une grande famille aimante.